
Roissy en France / La fosse Cotheret
Des tombes à char dans un cimetière celtique
photo : disque conique en bronze (tombe aux bronzes ornés)
Projet en cours
Auteurs : Thierry Lejars et Christophe Batardy
– C’est en 1996 que le Gouvernement acte la construction de deux nouvelles pistes, au nord et au sud de la plateforme aéroportuaire.
Les opérations archéologiques débutent à l’Automne 1996 :
– 250 ha sont alors prospectés (près de 90 km de tranchées à la pelle mécanique ont été réalisées, soit 10% de la surface totale). De nombreuses traces d’occupation sont découvertes à cette occasion soit 1,5 sites par km2.
– La maîtrise-d’œuvre est alors confiée à l’AFAN (Association pour les fouilles archéologiques nationales, qui prendra le nom d’INRAP en 2001) sous le contrôle et dans le cadre des prescriptions élaborées par le Ministère de la culture et de la communication (DRAC de l’Ile-de-France, Service régional de l’archéologie).
La fin des opérations archéologiques à lieu à l’automne 2000 : 12 sites ont fait l’objet d’une fouille exhaustive, couvrant 22 ha au total.
1- Les fouilles archéologiques de l’Aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle : 1996-2000
Si les 12 sites explorés en 1997 et 1998 couvrent une vaste période allant du Néolithique aux Temps modernes, l’essentiel des occupations se limite au deuxième âge du Fer (ou époque celtique) et à l’époque romaine. Les fouilles n’ont en effet livré aucun indice d’occupation médiévale. Il s’agit pour l’essentiel d’établissements ruraux. Tout se passe comme si, dès le Ve siècle de notre ère, les habitats s’étaient regroupés à l’emplacement des villages actuels (Roissy, Louvres, Goussainville, Gonnesse, Epiais-lès-Louvres, Chennevières-lès-Louvres, etc.). Cette situation du reste se prolonge jusqu’à aujourd’hui puisque ce secteur du plateau était quasiment vide d’habitat jusqu’à la construction de l’aéroport.
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Les périodes d’occupation des 12 sites
(Infographie : C. Bailly)
2 - La Fosse-Cotheret, une nécropole celtique du IIIe siècle av. J.-C.
Les sondages réalisés au nord de la plateforme aéroportuaire, au lieu -dit La Fosse-Cotheret, ont mis à jour les indices de la présence d’une nécropole celtique. Une emprise d’environ 2 ha, englobant l’ensemble de l’espace funéraire, a pu alors être entièrement fouillée en 1999, à la différence de l’habitat voisin, implanté à l’ouest de la zone de recherche.
La nécropole forte d’une petite dizaine sépultures seulement, date de la première moitié du IIIe siècle av. J.-C. Elle couvre une surface restreinte, d’environ 200 m2. Elle était située au centre d’un espace probablement boisé, délimitée à l’ouest par l’habitat celtique et au nord par un chemin de direction est-ouest.
Les ossements humains et les restes d’animaux n’ont pas été conservés à l’exception de fragments d’émail dentaire, en raison de l’acidité des sédiments. L’âge et le sexe des individus ne peuvent être estimés que de façon très approximative en fonction de la taille des sépultures et du mobilier associé. Huit tombes ne renfermaient que des vases en terre-cuite et quelques objets métalliques, des fibules pour le costume, généralement disposées à l’emplacement présumé des épaules.
Mais le caractère exceptionnel de cet ensemble réside dans la découverte parmi cette dizaine de sépultures de deux grandes tombes contenant les restes d’individus inhumés avec chacun un char à deux roues : la "Tombe du Guerrier" et la "Tombe aux bronzes ornées".
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– Plan Général du site et des vestiges (AFAN 1999) :
(Les numéros des objets reportés sur le plan correspondent à l’inventaire publié du mobilier)
3 - La "Tombe du guerrier" (5002)
La "tombe du guerrier" appartient à un individu que le mobilier désigne comme un guerrier, le seul de la nécropole. Il est enterré avec un char de guerre et son équipement militaire. Les parois de la fosse, longue de 4 m sur 2,3 m, étaient garnies de planches, horizontales et verticales, qui formaient un coffrage. La hauteur initiale de la chambre qui devait excéder 1 m, implique l’existence d’un tertre. Entier, le char reposait à même le sol, avec les roues encastrées dans deux profondes cavités. Du char lui-même ne subsistent que les éléments métalliques : bandages de roues, clavettes et garnitures de joug. Les mors étaient rangés sur la poitrine du défunt ou, plus probablement, sur le bouclier qui en couvrait le corps, tandis que l’épée et la lance avaient été déposées à sa droite. Le défunt portait au bras gauche une paire de brassards, en bronze et en lignite, sur la poitrine une fibule et sur le côté un rasoir rangé dans son étui en bois.
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4 - La "tombe aux bronzes ornés" (1002)
La tombe appartient très probablement à un individu de sexe masculin comme l’atteste la présence de forces et d’un rasoir. La tombe, sensiblement plus courte que la précédente (2,3 m sur 3,5 m), étaient également garnie d’un coffrage en bois. L’individu était allongé sur un char à deux roues de morphologie et de dimensions différentes, plus court avec un écartement des roues sensiblement plus important. Celles-ci étaient placées dans des fosses oblongues de manière à ce que la caisse du char repose directement sur le fond de la chambre funéraire. Contrairement au char précédent, ce dernier était agrémenté de nombreuses pièces décoratives en bronze, ornées dans le style Plastique caractéristique du IIIe siècle av. J.-C. : têtes de clavettes, appliques de joug et éléments de harnachement de chevaux. Le soin apporté au char montre qu’il ne s’agit pas d’un simple char de guerre mais bien davantage d’un véhicule d’apparat. Le mobilier d’accompagnement comprend, outre les effets personnels du défunt (bracelet, fibule et amulettes), une petite trousse d’outils, un groupe de deux vases en céramique et le couvercle en bronze d’un récipient très certainement en bois. Cette dernière pièce magnifiquement ouvragée, de 20 cm de diamètre, peut être considérée comme un des chefs-d’œuvre de l’art celtique ancien.
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5 – Les tombes à char de La Tène moyenne du Bassin parisien (IIIe et première moitié du IIe siècle av. J.-C.)
Les tombes à char de la Fosse-Cotheret font écho aux découvertes faites à Bouqueval et au Plessis-Gassot, deux ensembles funéraires contemporains, localisés à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Roissy-en-France.
On dénombre désormais près d’une trentaine d’assemblages funéraires avec dépôt de chars ou d’équipements équestres dans les territoires de l’ancienne Gaule Belgique (ensembles des régions situées au nord de la Seine et de la vallée de la Marne).
Ils se concentrent principalement dans la moyenne et basse vallée de la Seine et dans les Ardennes, et de façon plus sporadique en Picardie et dans le Hainaut. Les ensembles les plus anciens (à l’exception du groupe ardennais) ne sont pas antérieurs au début du IIIe siècle av. J.-C. Le dépôt de pièces de char se poursuit avec les incinérations des deux derniers siècles dans la basse vallée de la Seine et en Picardie. En Champagne, région connue pour ses nombreuses tombes à char du début de La Tène ancienne (La Tène A et B1 principalement, Ve et première moitié du IVe siècle), le phénomène ne paraît plus attesté à La Tène moyenne (IIIe siècle). Plus à l’ouest, cette pratique apparaît marginalement en Basse-Normandie (Orval) et en Bretagne dans des contextes datés de la fin du IIIe siècle.
Si le dépôt de chars dans les sépultures témoigne de l’importance de ces équipements destinés à une fraction infime de la population, les restes résiduels de ces mêmes chars dans des contextes d’habitats ou de sanctuaires dévoilent un usage plus conséquent de ces moyens de transport : fragments de bandages de roue, accessoires de caisse de char, mors et anneaux passe-guides. Les images reproduites sur les monnaies fait quant à elle une large place à ces attelages légers, librement inspirés de modèles grecs.
En Ile-de-France, dans la moyenne vallée de la Seine, où l’on situe le peuple gaulois des Parisii, les tombes à char se concentrent dans la partie nord et sont liés à de petits cimetières d’une à deux dizaines de tombes. Rien n’indique en revanche la présence de chars dans les grandes nécropoles franciliennes de Bobigny (Seine-Saint-Denis) et de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) bien qu’elles aient livré chacune plusieurs tombes de guerriers.
Les ensembles funéraires de Roissy-en-France, de Bouqueval et du Plessis-Gassot, avec leurs tombes à char et la présence d’objets singuliers ou exotiques, caractérisent des groupes restreints, élitaires, voire familiaux, qui marquent leur emprise sur un territoire à un moment également marqué par le développement au nord des lieux de culte à caractère guerrier qui accompagne l’essor des peuples belges à l’aube du IIIe siècle av. J.-C.
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– Tombes à char (AFAN 2000)
La tombe aux bronzes ornés (1002) et la tombe du guerrier (5002)