De Condate (Rennes) à Juliomagus (Angers)

Approche pluridisciplinaire et multiscalaire de la route et de ses abords

Auteurs : Gilles Leroux (INRAP), Christophe Batardy (CNRS), Thierry Lhoro (MCC)

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L’ancienneté d’une liaison routière entre Rennes/Condate (Ille-et-Vilaine) et Angers/Juliomagus (Maine-et-Loire) est attestée par la table de Peutinger - une copie médiévale d’une représentation cartographique des réseaux routiers de l’Empire romain, sur laquelle son tracé relie les deux chefs-lieux de cités gallo-romaines. Comme bien d’autres, cette « voie romaine » n’échappe pas, au cours du XIXe siècle, à l’engouement des sociétés savantes pour la détermination du réseau routier antique de la Gaule. Son tracé sera finalement en grande partie observé par le magistrat rennais Alfred Ramé à l’occasion d’un parcours à cheval en 1863 ; il en dressera également les premières coupes.

Depuis cette époque, le dossier archéologique de cet itinéraire était retombé dans une certaine léthargie, les auteurs successifs reprenant, sans nouvelle investigation, les données déjà établies. De plus, l’état physique de la route tel qu’il était perceptible à la fin du XIXe siècle a été considérablement dégradé par l’aménagement progressif du territoire et plus particulièrement les travaux connexes des remembrements agricoles engagés à partir des années 1960. Aujourd’hui, lorsqu’elles ne sont pas masquées par les réseaux routiers modernes ou grignotées par l’urbanisation, ses traces physiques ne sont plus conservées que sur une longueur cumulée de 3 km dans les seuls massifs boisés. Enfin, le regard aérien et son pouvoir d’analyse des marques laissées par la route ancienne ne peut s’exercer que sur la seule part de l’itinéraire concernée par le domaine agricole, c’est-à-dire environ une vingtaine de kms.

En 1995, la recherche archéologique moderne se réapproprie le sujet à la faveur de la fouille préventive d’un ouvrage de franchissement de la Seiche par cette route à Visseiche (Ille-et-Vilaine). Cette opération révèle une levée d’accès à un pont dont l’armature constituée de caissons de bois et datée par la dendrochronologie, atteste une construction mise en place dès l’âge du Fer, elle-même suivie de plusieurs réfections effectuées au début de la présence romaine en Armorique.

Ce sera le point de départ à de nouvelles investigations ciblées, dans un premier temps, sur le monument routier puis élargies à son environnement. La reconnaissance intégrale de son tracé, par le biais notamment de l’archéologie aérienne, ou la détermination de nouveaux points de franchissement des cours d’eau dans le cadre d’une prospection thématique, font partie des avancées importantes de la recherche au cours des années 1995-2002. La conséquence directe de la précision de cette information sera la prise en compte systématique de cette réalité patrimoniale dans les projets d’aménagements du territoire. De fait, les fouilles archéologiques suivantes vont confirmer la récurrence de certains modes de construction ou démontrer la très grande fixité spatiale de la route et son utilisation sur la longue durée, depuis l’âge du Bronze jusqu’au Moyen-âge.

Le nombre considérable et la variété des données, acquises sur une emprise foncière ou territoriale importante (105 kms de longueur totale correspondant à celle de l’itinéraire, pour 1 km de largeur d’étude centrée sur la route) concernant partiellement deux régions (Bretagne et pays de la Loire) et trois départements (Ille-et-Vilaine, Mayenne et Maine-et- Loire), vont être logiquement passées au crible d’un SIG « système d’information géographique ». La trame du cadastre dit « napoléonien », redessiné et géo-référencé pour l’occasion, servira de support au report planimétrique des découvertes. Ce cadastre est en effet susceptible de fossiliser, non seulement l’emprise foncière de la route mais aussi certaines formes paysagères générées par la route elle-même ou les habitats protohistoriques puis antiques ou médiévaux qui se sont succédés le long de l’itinéraire.

L’ensemble des données serviront dans le SIG à mesurer non seulement, l’adaptation du tracé de la route aux conditions naturelles et à certaines décisions d’aménagement mais aussi, la part revenant à chacune des grandes périodes chronologiques évoquées, dans la constitution des paysages et des campagnes.

Par son amplitude spatiale ou la multiplicité et la variété des interventions archéologiques, cette approche pluridisciplinaire et multiscalaire de l’itinéraire routier et de son environnement s’affirme comme une étude exemplaire et pionnière en matière d’étude viaire ancienne.

La voie antique à Saint-Aignan-sur-Roe (Mayenne)